Avez vous déjà vu un sourire sans chat ? [Finie !]

Alice l'a apprit à ses dépends : le pays des Merveilles est régit par une logique étrange. Ou plutôt, une logique autre que celle des humains considérés comme normaux dans un monde qu'ils appellent normal. Pourtant, Cheshire a beau moins ressembler à un homme que nombre de ses compatriotes, son comportement est de loin un des plus humains de Wonderland. Il reste bien sûr un être fantasque, capricieux, aux réactions parfois lunatiques. Mais il reste capable de raisonner comme le ferait un humain, tout en étant imprégné de la logique de son propre monde. Cette particularité fait de lui, selon son humeur, un guide précieux, dispensant des conseils inestimables, (bien que souvent très sibyllins, ou sous forme d’énigmes) ou un dangereux manipulateur capable de perdre plus encore ceux qui auraient besoin d’aide. En effet, Cheshire aime s’amuser, et cette recherche de divertissement le pousse parfois à jouer de bien mauvaises farces. Curieux de nature, il apprécie la nouveauté, et la compagnie de gens qu’il juge intéressants. A force de les fréquenter, ils finissent même par devenir pour lui ce qui pourrait s’apparenter à des amis. Il avait ainsi noué quelques liens avec la mythique première Alice, ou encore avec Rumplestiltskin, qui est selon lui un agréable compagnon de route. Mais ces marques d’amitiés sont parfois vagabondes, et en tant que chat, il reste une créature très indépendante. Et si son aide ne vous coûtera pas forcément un bras, une jambe et votre premier né, il tirera néanmoins sans honte tout éventuel profit que pourrait lui offrir une situation. Posé et prudent, Cheshire prend généralement garde à ne pas se laisser impliquer dans une affaire ennuyeuse, voire dangereuse. Cependant, il lui arrive d’être assez insolent, ou bien moqueur, et de heurter, mine de rien, des points sensibles, souvent simplement pour observer la réaction de sa cible.

Mais le chat du Cheshire, c’est un chat, non ? Bien sûr, c’est un chat, pourquoi l’appeler chat, sinon ? Encore faut-il savoir ce que c’est un chat. La boule de poil qui dort roulé sur elle-même, bien installée au creux du fauteuil ou de votre lit, le félidé qui chante la sérénade à quatre heures du matin sous votre fenêtre, le fauve qui mène la guerre à ses congénères du quartier pour savoir qui a le droit de propriété sur votre jardin, le risque-tout qui se promène, insouciant, le long des gouttières et qui retombe toujours sur ses pattes. Vous visualisez ? Eh bien, Cheshire n’est rien que cela, des oreilles pointues au bout de la queue poilue un peu ébouriffée, rien qu’un chat. Des ses yeux bleu ou verts en amande et de ses griffes effilées qu’il sort en s’étirant paresseusement, un simple chat. De ses rayures aux reflets bleutés et de son immense sourire révélant deux grandes rangées de dents pointues, juste… un… chat ? Ca ne se voyait pas, ça chez les humains ! Et voilà qu’il ne reste que le sourire, flottant dans le vide. Les yeux réapparaissent, puis les rayures, et enfin, le chat lui-même est de retour. Avant de s’évanouir à nouveau, sans prévenir, pour réapparaître tout prêt de votre oreille, semblant léviter sans effort, avant de rire.
- Rien n’est ce qu’il paraît, ici, glousse t-il, avant de disparaître, pour de bon cette fois ci.

De la naissance de Cheshire, on a peu d’informations. On le dit né dans le comté du Cheshire, mais même de cela, comment être sûr ? Il s’en trouve effectivement pour dire qu’en tant que résident indubitable du monde des contes, il ne peut avoir vu le jour chez les humains.
Toujours est-il que le chat du Cheshire, ou juste Cheshire (la particule ne manque pas d’allure, mais il importe parfois de rester simple, vous comprenez ?), possédait clairement la faculté de passer d’un côté à l’autre, sans difficulté. La première fois qu’on entendit parler de lui, c’était déjà au Pays des merveilles. Un beau matin, la Duchesse, femme respectable de par son titre, sa stature et sa faculté de tirer une leçon de chaque événement pouvant survenir, avait un nouveau chat, qui souriait et disparaissait. Durant une certaine période, il voyagea au sein du monde des contes, observant avec intérêt les personnages et leurs histoires, liant même connaissance avec certains. C’est ainsi qu’il fit la rencontre de Rumplestilstkin. Après une longue conversation, le félin et lui se découvrirent des intérêts communs, et souvent une vision identique du monde et des gens. C’est ainsi que Cheshire décida d’accompagner cet homme étrange durant un moment, l’assistant quelque fois pour ses « affaires ». L’habileté et la verve de son compagnon amusait vivement le chat, qui se plaisait à venir le retrouver, parfois, partager une aventure ou deux, avant que chacun ne reparte de son côté pour un moment. Entre ces péripéties, le chat allait de temps en temps explorer le monde des humains, ou ses rayures s’assombrissaient, et où il perdait son sourire incongru, devenant ainsi un chat bien plus anodin aux yeux des gens de là bas. Il suffit de peu de choses, pas vrai ? Ce monde là aussi était une source d’intérêt non négligeable : les humains savaient se montrer fascinants. Quand il n’était pas en vadrouille d’un monde à l’autre, Cheshire se promenait à travers Wonderland, faisant connaissance de ses aimables voisins. Il fut plus amusé qu’autre chose de constater que tous étaient totalement fous. Il constata tout de même qu’il avait le don d’irriter le chapelier fou, et de mettre la Reine hors d’elle. Combien de fois avait-elle ordonné sa mort ? Fort heureusement, il n’est guère aisé d’attraper le chat du Cheshire.
Le jour où Alice arriva, il ronronnait prêt du poêle, dans la maison de la Duchesse, souriant jusqu’aux deux oreilles, ne prêtant plus gare depuis longtemps aux braillement du garçon cochon de sa maîtresse et de l’air saturé de poivre. Lorsque la fillette était entrée, sa première question avait été sur lui, et sur son sourire. Bien que vaguement intrigué par la venue d’une humaine à Wonderland, Cheshire, pas plus que les autres, n’avait deviné à ce moment là combien cette petite serait importante pour eux. Il la retrouva plus tard, perdue et déboussolée par ce monde qui ne ressemblait pas au sien. Elle tentait de s’adapter, pourtant, mais tant de choses lui échappaient. Amusé, Cheshire la conseilla et la guida un peu, observant de loin sa déambulation. Cette première visite se termina par la fuite de la petite Alice. Elle revint, pourtant, rendre visite à ces personnages qui l’avaient pourtant tant troublés. Puis elle grandit, et cessa de venir. Pendant ce temps, le Pays des Merveilles traversait des épreuves difficiles ; la Reine de cœur se faisait de plus en plus tyrannique, au point qu’une partie des habitant monta un groupe de résistance. A la grande désaprobation de certains, Cheshire décida de se tenir à l’écart, restant neutre. Il n’éprouvait aucune sympathie pour la souveraine, mais l’idée de s’agiter pour la faire tomber du trône l’ennuyait.  Cela ne l’empêchait certes pas de s’intéresser, et il les observa tranquillement, jusqu’au jour où ils parvinrent à retrouver Alice. La jeune fille leur  donna du fil à retordre, c’était certain. La voyant perdue, exactement comme la première fois, Cheshire décida de la guider exactement de la même manière. Il étudia encore un moment la lutte que menaient les habitants, avant de décider d’apporter un peu de son aides, à quelques occasions, par exemple pour aider le Chapelier à s’enfuir. Leur efforts furent finalement récompensés : La Reine de cœur fut vaincue, et remplacée par sa douce et aimable sœur. Tout était bien qui finissait bien. Mais d’un conte de fées, on ne montre souvent aux enfants que le dénouement heureux, comme si le temps s’arrêtait et qu’il n’y avait pas de suite. C’est pourtant faux. Après cette période de paix, le monde des contes fut bientôt agités de soubresauts, enchaînant combats sur combats contre le mal, catastrophes sur scatastrophe. A la tête de ce chaos, un roi c’était installé, et avait fait de tous les personnages les plus crains, de toutes les créatures les plus sinistres ses vassaux, pour être certain d’avoir la main mise sur tous les territoires. La Reine de cœur était de retour, plus acharnée que jamais. Et à nouveau, dans tous les royaumes, le même espoir était sur toutes les lèvres ; il faut une nouvelle Alice !
Et de nouveau ; Cheshire souriait. Toute cette catastrophe, et toutes ces manœuvres pour y mettre fin promettaient d’être passionnantes. Et si lui aussi, s’aumsait à partir de la recherche de ce trésor convoité ?